Monday 7 July 2008

La haute question de la couture

Cette semaine on a, une saison de plus, pu admirer les créations des plus grands couturiers et apprécier la délicatesse et l'expertise des artisans de ce monde de la mode rivalisant de finesse pour créer des modèles dont toute - petite ou grande- fille rêverait pour devenir princesse moderne le temps d'un gala de charité ou d'un mariage en grandes pompes.

Galliano m'a tout particulièrement époustouflée. Ses tenues rétro, retour vers la Nouvelle Vague n'a manqué de réellement sublimer le savoir-faire du monde de la confection et de la couture en France. Bien entendu, Lacroix, Chanel, Elie Saab, Dominique Sirop etc n'ont pas failli à leur tâche. En revanche, quand je vois les collections de Anne-Valérie Hache ou de Givenchy cette année, je me demande si ces créateurs ont reçu le mémo...

Le terme de Haute Couture ne s'applique pas à qui veut: l'appellation est protégée juridiquement. Seuls peuvent adopter ce terme les maisons faisant partie de la Chambre Syndicale de Haute Couture. Pour en faire partie, il suffit de faire partie de la liste et - accessoirement- payer le tarif de membre. Il faut également répondre à un nombre de critères érigés par celle-ci (nombre d'employés, participation à un quota de grands défilés, utilisation d'une certaine surface de tissu etc). Les standards sont stricts et les collections consistent à faire preuve d'une excellence en matière de savoir-faire ancestral, d'un artisanat de luxe dont la qualité vise un niveau de rafinement élevé, souvent réalisé dans des ateliers français et par des artisans de maisons anciennes telles que le brodeur Lesage ou le Plumassier Lemarié. Bien que cela sonne terriblement empesé, il y a derrière ce terme une réelle industrie, un réel savoir-faire et des milliers de gens qui en vivent.

Que Anne - Valérie Hash déçoive cette année encore n'a rien d'étonnant: ses collections sont, chaque année, banales et n'étonnent ou n'émerveillent en rien et ne donnent pas envie de rêver: ses tenues sont souvent monochromes et plutôt monotones, les volumes pauvrement travaillés et ne subliment même pas le corps de la femme qu'elle n'habille de toute façon pas puisque je n'ai jamais vu ne serait-ce qu'une célébrité arborer les tenues de cette maison. Maintes marques de prêt-à-porter font d'ailleurs plus en matière d'artisanat que ne le fait cette maison.

Passe encore qu'Anne Valérie Hash ait pour mission - ce que je me dis pour expliquer cette vulgaire manifestation de mode- de banaliser la Haute Couture, Ricardo Tisci pour Givenchy n'a aucune excuse ( Voir image à gauche). La marque relancée notamment par la dynamique et la créativité de McQueen a vraiment perdu de sa superbe en matière de Couture depuis que Tisci en est à la tête... Des bombers en plumes d'oie certes , des draperies certes, des franges et des broderies et dentelles, des modèles parfois beaux mais rien que Balenciaga, Dolce & Gabbana, Celine ou Prada ne feraient en mieux. Aucune magnificence, aucune superbe. Rien qui ne soit vraiment digne de la Haute Couture.

On ne s'étonne donc pas que, depuis peu, émergent des marques qui proclament faire de la "Couture" mais pas de la Haute Couture... Et l'on s'étonnera encore moins que cela soit chez les toujours pragmatiques américains trouvant la Haute Couture un peu trop avant-garde et chère pour leurs goûts. Marchesa par exemple, maison créée par une anglaise aux US, se spécialise dans les robes de soirée faites sur mesure mais sans être affiliée au syndicat de la mode de Paris. La marque fait fureur auprès des célébrités américaines et on le comprend. Ces modèles sont faciles à comprendre, ils présentent suffisamment de dorures, broderies et autres chichis pour donner une impression - pauvre mais efficace- de prestige à 1/20ème du prix (et 1/100èmede la qualité aussi) des robes de Haute Couture.

La Haute Couture a du souci à se faire. Si certaines maisons sont récemment entrées dans ce cercle très fermé, pour ne citer qu'Armani privé ou Versace - qui n'a pu y retourner depuis quelques saisons en raison d'un remaniement des finances, il est évident que le futur de ce domaine est en jeu puisque de quelques 30 maisons il y a dix ans, désormais, l'on ne trouve plus que 10 maisons de Couture. Les donnes ont changé: la société a été modifiée en profondeur, notamment avec la disparition d'un certain "establishment". Mais le monde a besoin de splendeur et la Haute Couture est là pour prouver que l'on peut encore rêver de sublime. Les actrices sont là pour nous faire rêver lors de festivals et de remises de récompense.
En France d'ailleurs, nos ministres et femmes de peuvent également se permettre de porter de superbes tenues, certainement parce que c'est l'un des seuls pays ou cela est considéré comme soutien à l'industrie de son pays alors que dans les autres, ce serait perçu comme utiliser l'argent de l'état pour des froufrous... Je plains d'ailleurs les pauvres princesses suédoises qui, tous les ans au Prix Nobel arborent des tenues absolument sans intérêt, sans relief et dans les tons neutres, au pire pastels, au mieux, dans les tons noirs...

La Haute Couture doit perdurer. Elle inspire, elle élève vers le grandiose de la même manière que les cathédrales s'érigeaient en ode à la sublime divinité chretienne. La Haute Couture emploie de réels talents et pousse vers le raffinement. N'en déplaisent aux pragmatiques de ce monde, il y a de la place pour la beauté et cela nous rend chaque fois un peu plus humbles.

www.marchesa.com

No comments: